Un décryptage du discours du Président aux Invalides.

Publié le par Patrice HUIBAN

 

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Le jeudi 14 juin 2012 avait lieu aux Invalides une cérémonie en hommage à 4 de nos soldats « morts pour la France » en Afghanistan.

 

Ce fut la première cérémonie de ce genre pour notre nouveau président de la République, M. François Hollande. En marge du recueillement et de l’émotion, le discours du nouveau chef de l’Etat était attendu, au moins par la communauté militaire elle-même. A travers ce type de discours, les citoyens, aux premiers rangs desquels les soldats, essaient de décrypter la pensée profonde du décideur ou, au moins, ses intentions vis-à-vis de la communauté de la Défense.

 

Après ses visites à Kaboul et auprès des blessés à Clamart, François Hollande a à nouveau montré un véritable souci de parler au monde militaire. Il a essayé de casser les codes habituels des discours de beaucoup de responsables politiques sur ce thème, notamment au sein de la probable nouvelle majorité. Il a souhaité montrer que le nouveau gouvernement portait une attention à ce monde en uniforme chargé de symbole nationaux, monde que la gauche française est suspectée d’avoir un peu abandonné, elle qui est souvent traversée par un tropisme européiste, xénophile et universaliste. François Hollande a ainsi voulu réhabiliter le patriotisme, parfois un gros mot rue de Solférino. On y préfère généralement les termes « citoyenneté » et « civisme », comme si on pouvait promouvoir l’intérêt général de la Cité sans l’aimer, comme si le patriotisme était synonyme de nationalisme en dépit de cette fameuse citation de l’écrivain Romain Gary : « le patriotisme, c’est l’amour des siens, le nationalisme, la haine des autres ».

 

Cette évolution a transparu clairement dans le choix des références et des termes. M. Hollande a cité le général de Gaulle et « la flamme de la fierté nationale ». Il a repris un vocabulaire peu usité de nos jours, surtout à gauche. On s’attendait, en effet, à des répétitions en boucle des mots « citoyens » et « République ». Le Président a surtout évoqué « l’amour de la Patrie », « l’âme de la France éternelle », « l’esprit de sacrifice ».

 

Ce discours fut donc une heureuse surprise.

 

En effet, notre démocratie portée par la République, garante de l’intérêt général, ne se suffit pas à elle-même. Elle a besoin d’un ancrage identitaire porté par la Nation, symbole de l’unité du corps social autour de valeurs communes, et la Patrie, image de notre patrimoine, de notre héritage transmis par les générations passées.

 

Espérons maintenant que notre nouveau chef de l’Etat, à travers ces événements tragiques, ait pris conscience qu’il n’y a pas, aujourd’hui encore, de grand pays sans grande armée. « Le premier devoir de l’Etat, c’est la Défense » disait le général de Gaulle pour qui « l’épée était l’axe du monde ». Le problème est que ce gage de souveraineté se prépare dans la durée. On ne peut pas monter une armée efficace quand le péril pointe. Cependant, qui dit durée dit vision stratégique, alors que l’agenda et les intérêts du décideur politique se placent à court/moyen terme…

 

M. Hollande saura-t-il s’affranchir des logiques corporatistes dans les mois à venir pour préserver « une assurance-vie tous risques » pour les Français. Notre paix en Europe ne doit pas cacher un monde qui réarme en masse et où les conflits n’ont jamais été aussi nombreux. Dans ce cadre, la préservation de nos libertés signifie des capacités d’intervention en autonome aux quatre coins du globe. Quoi de plus logique pour un pays qui a des intérêts sur toute la planète et sur lequel le soleil ne se couche jamais. Baisser encore un budget de la Défense en déclin depuis plus de vingt ans signifierait renoncer à cette autonomie, c’est-à-dire à une part de nos libertés. Ce renoncement serait d’autant plus paradoxal que le gouvernement actuel se méfie d’un trop fort atlantisme adossé à une dépendance accrue vis-à-vis de l’OTAN…

 

En ces temps de disette budgétaire, une telle politique enverrait également un très mauvais message aux "bons élèves", à ceux qui acceptent tout ou presque au nom de l'intérêt général depuis des décennies, alors que d'autres semblent dilapider les efforts de la Nation en leur faveur. Tenez vous bien : le budget de la Défense est passé de 3% du PIB à la fin des années quatre-vingts à 1,7% aujourd'hui avec une volonté continue de rentabiliser chaque euro reçu. Pendant la même période, le budget de l'Education nationale a crû sans discontinuer, passant de 3% à 7% de notre richesse nationale, effort équivalent à celui des Etats-Unis pour sa Défense en pleine guerre froide ! Cela serait fort logique si les résultats en termes d'insertion sociale, civique et professionnelle suivaient. On connaît la situation de notre système éducatif aujourd'hui... Pourtant, notre nouveau gouvernement poursuit dans une logique de moyens avec 60 000 postes offerts sans aucune contrepartie structurelle, à l'image d'une armée soviétique irréformable, pléthorique et paupérisée...

 

En conclusion, discours de circonstance ou prise de conscience réelle ? Affaire à suivre…

 

Patrice HUIBAN.

 

Publié dans Réflexions

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S
<br /> Bonjour<br /> <br /> <br /> La comparaison entre les budgets de deux ministères n'est pas significatuive, en ce sens que la Défense entretient tous ses sites sur son budget, alors que les sites de l'Education Nationale sont<br /> pris en charge par les mairies, conseils généraux, conseils régionaux ...<br /> <br /> <br /> La différence est encore plus grande !<br /> <br /> <br /> Cordialement<br />
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P
<br /> <br /> Merci beaucoup pour cette remarque très pertinente. Cela finit de m'abattre !<br /> <br /> <br /> Bien à vous !<br /> <br /> <br /> <br />