Le militaire, un citoyen oublié du rapport Jospin ?

Publié le par Patrice HUIBAN

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Dans sa lettre de mission adressée à Monsieur Lionel Jospin, le président de la République mandatait la commission chargée de la rénovation et de la déontologie de la vie publique afin qu’elle propose « des réformes qui pourront trouver leur traduction dans une modification de la Constitution, mais aussi dans la loi organique ou dans la loi ordinaire » et « se penche […] sur les modalités permettant de mieux refléter la diversité des courants de pensée ».

 

Or, dans le rapport intitulé « Pour un renouveau démocratique » remis au chef de l’Etat par l’ancien Premier ministre, et notamment dans sa première partie « Une représentation politique rénovée », rien n’a été écrit sur les modalités de participation de plus de 300 000 citoyens aux débats publics.

 

Alors que, fort heureusement, l’avenir du pays est de nos jours davantage conditionné par la richesse et la qualité de ces débats plutôt que par l’issue de combats à nos frontières, les hommes et les femmes des forces armées et de la Gendarmerie nationale sont davantage spectateurs que d’autres dans leur capacité à participer à ces échanges démocratiques si féconds.

 

En effet, si ces derniers bénéficient du droit de vote depuis 1945, leur statut, pourtant révisé en 2005, ne leur octroie toujours qu’un droit assez virtuel à se présenter à une élection.

 

Ainsi, comment honorer un mandat quasi-bénévole de conseiller municipal alors que ce dernier vous place statutairement en détachement avec perte intégrale de la solde ? Comment être investi par un parti pour un mandat national alors que vous ne pouvez y adhérer que le temps d’une campagne et d’une hypothétique législature ?

 

De fait, les hommes et les femmes de la Défense restent cantonnés au rôle d’acteurs passifs de notre démocratie, eux qui placent pourtant si naturellement leur action dans un collectif. Du collectif à la collectivité, il n’y donc qu’un pas qu’on leur refuse encore. Pourtant, leur plus grande implication ne pourrait que contribuer à vivifier une élite comportementale de l’action et de l’engagement au service de la Cité, véritable poumon de toute société libérale au sens politique.

 

Alors pourquoi, en 2012, toujours dénier le plein exercice de ce droit à candidature à des citoyens qui démontrent jour après jour, aux quatre coins du monde, leur loyauté à la volonté nationale du moment ? En quoi la neutralité exigée chez les autres agents de l’Etat est-elle remise en cause par la possibilité qui leur est accordée d’adhérer à un mouvement d’opinion, y compris chez ceux portant des charges hautement régaliennes comme les magistrats, les policiers ou ceux occupant des emplois fonctionnels d’encadrement supérieur ? En quoi des hommes et des femmes prêts à tout donner pour la défense de la terre de nos pères et de ses valeurs seraient-ils illégitimes à participer activement à la construction de la France de nos enfants ?

 

Pour Thucydide, contemporain de l’éclosion de la démocratie grecque au Ve siècle av. JC, «  Un individu ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile ». A des milliers de kilomètres de la France ou dans leurs villes et villages, les hommes et les femmes de la Défense n’ont qu’une obsession : servir.

 

Alors à quand des soldats pleinement citoyens ?

 

Patrice HUIBAN.

Publié dans Réflexions

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